Sur un nouveau type de cadran solaire.

Quand on parle gnomonique, sinus et cosinus ne sont pas des gros mots.
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michel_S
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Enregistré le : mar. 25 juin 2019 14:25

Sur un nouveau type de cadran solaire.

Message : # 810Message michel_S »

Sur un nouveau type de cadran solaire : le cadran Gamma-solaire.
Bonjour à tous.
Je vous propose, dans ce message, de partager une idée qui m’est venue à l’esprit sans trop l’avoir théorisée. À première vue elle relève du canular. Imaginez, elle propose de faire un cadran solaire qui donne l’heure de la montre à tout instant où le soleil se montre (c’est pour le plaisir du jeu de mots). Mais nous ne sommes pas le 1 avril et j’espère que ce qui suit va retenir votre attention.
La plupart des visiteurs de ce forum savent que la durée du jour solaire est évolutive au cours de l’année. Elle varie d’une trentaine de seconde autour de la durée de 24 h. Ces écarts cumulés, jour après jour, finissent par faire une durée d’environ un quart d’heure, écart maximal entre l’heure solaire et l’heure dite « moyenne » sur laquelle s’appuie l’heure de la montre. L’heure indiquée par un cadran solaire doit donc être corrigée chaque jour d’une durée adaptée quotidiennement pour correspondre à l’heure moyenne. Cette correction porte un nom : « l’équation du temps ». La variation de la durée du jour solaire provient de deux causes principales : l’orbite de la terre autour du soleil n’est pas un cercle mais une ellipse et l’axe de rotation de la terre n’est pas perpendiculaire au plan orbital du soleil mais est incliné d’une valeur appelée « l’obliquité » et valant actuellement 23° 26’. On voit qu’il y a là des « choses fondamentales » impossibles à transformer. Aussi, prétendre fabriquer un cadran solaire se passant de l’équation du temps et donnant accès à l’heure moyenne (et partant de là à l’heure de la montre), semble relever de l’imposture. Et si nous reprenions tout à la base !
À la base, on a dit ! Eh bien, à la base, il y a le fait que le cadran solaire est lié à la terre et est donc contraint de suivre les aléas de la liaison fantasque entre la terre et le soleil. Pour rendre inutile l’usage de la correction horaire dite « équation du temps », il suffirait de « libérer » le cadran de la terre. On ne veut pas dire de le rendre flottant dans l’espace. On entend par « libération » le fait de lier le cadran solaire à une direction fixe de l’espace, indépendante du mouvement propre de la terre. Cette direction existe, c’est celle du point vernal « gamma ». À l’échelle des temps humains, cette direction est fixe et constitue bien une référence « absolue » sur laquelle le cadran solaire peut être attaché. Se pose alors la question du lien à établir entre le cadran solaire et la direction du point vernal.
Rappelons quelques données. La direction du point vernal est la ligne d’intersection de deux plans : le plan orbital de la terre autour du soleil (plan de l’écliptique) et le plan de l’équateur. Depuis un repère d’observation lié aux étoiles (repère héliocentrique) cette direction est « fixe ». Elle correspond à une ligne se déplaçant en translation tout au long de l’année. On retient donc que la direction du point vernal est une ligne appartenant à la fois au plan de l’écliptique et au plan équatorial. Un observateur situé au point vernal verra ces deux plans « sur la tranche ». La direction de l’axe polaire étant perpendiculaire au plan équatorial se verra, elle, « dans le plan du dessin ». (Figure 1). Le soleil se déplace dans le plan de l’écliptique. Son mouvement sera vu depuis le point vernal comme glissant le long d’un segment correspondant aux dimensions extrêmes de l’orbite. Il effectue un aller et retour complet sur ce segment en une année.
Le dessin de la figure 1 donne une clé pour comprendre le principe du repérage de la direction du point vernal. Pour cela, imaginons que la figure géométrique des plans soit rigide. Faisons alors tourner cette « maquette » autour de l’axe polaire. Dans ce mouvement, le plan de l’équateur reste inchangé tandis que le plan de l’écliptique se trouve modifié. Sa trace apparaît en train de changer de direction. De ce fait, le soleil se retrouve hors plan de l’écliptique. C’est bien sûr une aberration. Il faudra l’éviter. Lorsque le soleil se retrouve dans le plan de l’écliptique, on est certain que la direction du point vernal identifiée dans le plan de l’équateur est véritablement en correspondance avec la direction réelle du point Gamma. La direction du point vernal sera, en effet, toujours tracée sur le plan équatorial. C’est « tranquille » puisque l’on sait que cette direction est toujours présente dans ce plan. Comment faire pour la tracer ?
dessin 26.jpg
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Figure 1: Vue depuis le point vernal.

On s’appuie sur une circonstance particulière où la direction du point vernal est connue. Il s’agit de l’équinoxe de printemps où la direction du point vernal coïncide avec la direction méridienne à midi solaire. Cette circonstance se retrouvera à l’identique un an plus tard. Entre temps la direction du point vernal aura « tourné » sur le plan équatorial d’un mouvement régulier. Cela provient du fait que la rotation de la terre sur elle-même est à vitesse angulaire constante. C’est important. C’est là toute la différence avec un cadran solaire équatorial solidaire de la terre où le repérage directionnel est compliqué par le mouvement propre de la terre autour du soleil. Du fait que le cadran solaire est désormais lié à une direction immuable et indépendante de la terre, la « raison d’être » de l’équation du temps disparaît. Concrètement, il suffit de diviser le tour complet de 360° par le nombre de jours qu’un humain vit en une année (365,25jours solaires) pour savoir de combien il devra incrémenter l’angle de positionnement de la direction du point vernal à partir de la direction repérée à l’équinoxe. Ainsi, à chaque date correspond un angle permettant de tracer la direction prévisible du point Gamma sur la platine équatoriale.
Il est désormais possible de concevoir ce cadran. Il doit être formé par une platine équatoriale liée à une structure représentant le plan de l’écliptique (angle dièdre égal à l’obliquité). L’ensemble est mobile en rotation autour de l’axe polaire. La « structure représentant le plan de l’écliptique » peut prendre différentes formes : une ligne du plan et un point, un espace entre deux plans parallèles, etc. J’ai essayé différentes solutions dont celle-ci (figure 2).

(ici devrait figurer une photographie du cadran mais elle est trop "grosse". Vous pouvez la voir en couverture de la plaquette indiquée à la fin).
Figure 2: Exemple de cadran Gamma-solaire.

Comment ce cadran fonctionne-t-il ? Et comment lire l’heure de la montre avec lui ?
La platine équatoriale est constituée d’un disque évoluant en rotation sur une base liée à la terre et pouvant porter un repère. Elle est munie, sur le bord, d’une bague horaire graduée en heures (15°) et minutes (1° pour 4 min). Elle porte aussi un repérage des dates permettant le réglage prévisionnel de la direction de Gamma à la date de la mesure. (Voir bague centrale sur la figure 2). Il s’agit là d’un point mécaniquement délicat. Le réglage doit être facile tout en restant « bien en place » et sans laisser de jeu. La mise en station du cadran étant faite, il y a lieu avant de le déclarer « bon pour le service », de lui faire subir une sorte de calibrage.
À une date donnée, ensoleillée, le réglage prévisionnel de la direction du point Gamma étant fait, on tourne la platine équatoriale de manière à voir un mince filet de lumière traverser l’espace entre les deux plateaux matérialisant le plan de l’écliptique (on utilise le petit écran circulaire à gauche sur la figure 2 pour recevoir la trace lumineuse). On sait qu’alors la direction du point vernal est effectivement celle qui est présente à cette date et à cette heure sur la platine équatoriale. En s’aidant d’une horloge précise, on marque sur la base fixe un repère en face de la graduation indiquant l’heure « de la montre » fournie par l’horloge. Cette opération « gomme » d’un seul coup la valeur de l’équation du temps à cette date, le décalage en longitude de l’implantation du cadran par rapport au méridien central du fuseau horaire concerné, l’heure saisonnière (ou les deux heures) et les défauts de structure du cadran. Ce réglage est à faire une seule fois. Le cadran est désormais prêt à indiquer l’heure de la montre à tout instant de chaque jour. Comment procéder ?
Supposons une journée ensoleillée et le cadran mis en station. La première chose à faire est de régler la position prévisionnelle de la direction du point vernal sur la platine équatoriale. Elle met en place les positions relatives des plans de l’écliptique et de l’équateur. La seconde démarche est de tourner la platine équatoriale de telle manière que la lumière du soleil traverse l’espace entre les plans parallèles au plan de l’écliptique. On la reçoit alors nettement sur l’écran. Il suffit ensuite de lire l’heure de la montre sur la bague horaire en face du repère tracé sur la base. (En cas de changement de l’heure saisonnière, il suffit de déplacer le repère de 15° sur la base (du bon côté).
J’ai essayé deux versions du cadran Gamma-solaire. Elles donnent l’heure de la montre en bien des circonstances. Mais la réalisation du cadran Gamma-solaire montre aussi ses limites. Elles sont de deux ordres différents. Il y a celles qui sont liées à la difficulté de trouver le réglage précis de l’heure aux jours proches des solstices. Et il y a celles qui sont liées à la qualité « horlogère » de la réalisation mécanique du cadran Gamma-solaire. Elle est quasi inaccessible aux bricoleurs dont je fais partie. Cependant, on entrevoit un certain nombre d’améliorations. Concernant le réglage du cadran au voisinage des solstices, il serait possible d’augmenter la longueur de l’espace à traverser par la lumière au voisinage des solstices. On remplace les disques par des ovales très allongés sur la ligne des solstices (ovales pleins ou limités à un contour). On peut aussi chercher des outils optiques (demi-cylindres, prismes, etc.) augmentant le déport latéral du filet de lumière et affinant le réglage. Concernant la réalisation du cadran, on peut imaginer une multitude de réglages afin de parfaire le positionnement des différents plans les uns par rapport aux autres. On peut réfléchir aussi à la « solidité » du réglage de la direction de Gamma sur la platine équatoriale (crans, vis type sans fin, etc.).
J’ai beaucoup hésité avant de vous faire part de ces idées. Elles sont tellement à l’encontre des « habitudes » gnomoniques. Pensez, un cadran solaire qui se débarrasse de l’équation du temps pour indiquer directement l’heure de la montre. Mais je me suis convaincu peu à peu de leur justesse. Je suis arrivé à la limite de mes capacités techniques et conceptuelles. Je suis heureux aujourd’hui de partager mes « trouvailles » et de nourrir la curiosité des amis gnomonistes en espérant qu’ils apporteront un éclairage neuf et rigoureux sur ce cadran que j’ai appelé le cadran Gamma-solaire.
Si certains lecteurs veulent suivre la genèse et l’évolution des idées à la base du cadran Gamma-solaire, ils peuvent se référer à la plaquette que j’ai écrite à cette occasion. On y voit les écueils, les réussites, les erreurs, les déboires, les espoirs, etc. en « live » comme on dit aujourd’hui, disponible sur Amazon, sous le titre « Le cadran Gamma-solaire » de Michel Steiner.
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Yvon_M
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Re: Sur un nouveau type de cadran solaire.

Message : # 811Message Yvon_M »

J’ai eu le privilège de faire la connaissance du cadran imaginé par Michel un peu avant vous et je peux confirmer qu’il permet réellement d’indiquer l’heure légale sans utiliser l’équation du temps. On peut résumer son principe en disant qu’il est constitué de deux dispositifs couplés :
  • Le premier de conception originale permet de retrouver, à l’aide du Soleil, la position de l’écliptique et, par suite, du point gamma ou encore l’heure sidérale. On peut se rassurer sur la possibilité d’obtenir cette information en se rappelant qu’il existe des cadrans à heure sidérale, voir par exemple cet article :
    http://articles.adsabs.harvard.edu/full ... ..24....3S
  • Le second est un dispositif similaire au premier de ceux que j’ai présentés ici :
    viewtopic.php?p=588#p588
    mais utilisé dans l’autre sens. Il permet de faire le lien entre l’heure universelle (ou l’heure légale à un nombre entier d’heures près) et l’heure sidérale.
Voici, pour fixer un peu mieux les idées, la photo que Michel n’a pas pu mettre dans son message.

Image

Comme vous pouvez le constater, à aucun moment n’apparaît l’équation du temps alors que nous partons de la position du Soleil pour obtenir l’heure légale.

Bravo Michel, c’est une belle trouvaille !
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sebB
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Re: Sur un nouveau type de cadran solaire.

Message : # 812Message sebB »

Bonjour à tous,

Félicitation Michel pour cette belle découverte. ;)
J'ai hâte de découvrir le principe de ton cadran en détail.

SebB
Stéphane_L
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Re: Sur un nouveau type de cadran solaire.

Message : # 821Message Stéphane_L »

C'est est une belle innovation ce cadran gamma-solaire, bravo !
L'idée de ce nouveau cadran peut même être appliquée à la sphère armillaire (sphère armillaire gamma-solaire) ou à l'astrolabe.
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Yvon_M
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Re: Sur un nouveau type de cadran solaire.

Message : # 822Message Yvon_M »

Encore une belle simulation qui permet de mieux comprendre le principe du cadran « Gamma-solaire », merci Stéphane.

Comme d’habitude, j’ai rajouté ce programme à la fin de la longue liste Les programmes GeoGebra de Stéphane
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