Méthode graphique de J. H. Lambert

Quand on parle gnomonique, sinus et cosinus ne sont pas des gros mots.
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Yvon_M
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Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 69Message Yvon_M »

Puisque la méthode de l’« oval pointu » a suscité un certain intérêt, j’ouvre un nouveau sujet sur la méthode de remplacement qu’a proposée J. H. Lambert et que j’ai évoquée dans ce message. Elle a l’intérêt d’être parfaitement rigoureuse.

Dans un premier temps, je la présenterai en l’adaptant légèrement pour qu’on puisse faire le lien avec le sujet « Recherche concernant une méthode graphique originale », je reprendrai notamment la notion de distance introduite par Gérard. Je donnerai ensuite la traduction du texte de Lambert. Enfin, dans un second message, j’apporterai des commentaires et éclaircissements sur la démonstration proposée.

Voici donc la description adaptée : à partir du cercle de rayon R = GH, Lambert place le centre du cadran à la distance GE = R.cos(lat). Ensuite il gradue ce cercle non pas avec des intervalles égaux mais à l’aide d’un second cercle qui passe par le point H et qui a pour centre E. C’est ce dernier cercle qui est divisé en parties égales et, à partir du point P obtenu avec la bissectrice de l’angle GHE, les lignes tracées jusqu’aux divisions du second cercle permettent de graduer le premier. Les lignes horaires sont ensuite tracées comme dans la méthode de l’« oval pointu ».

Image

Voici maintenant comment J. H. Lambert présente cette méthode :

§ 43 Fig. XV
Que l’on trace donc le cercle HDM, ainsi qu’à l’intérieur les deux diamètres HM et VD, perpendiculairement. Partager ensuite le cercle HDM en 24 sections égales représentant les heures. Que l’on donne ensuite à VDC la hauteur de la ligne d’équateur, et à VDP la moitié de cette hauteur. Décrire ensuite le cercle ADE de centre C, passant par D. Tirer à partir de P des lignes aveugles vers chaque heure du cercle HDM, puis tirer à partir de V des lignes rejoignant les endroits où les lignes aveugles et le cercle ADE se coupent: ces lignes figureront les lignes des heures du cadran solaire horizontal pour la hauteur du pôle figurée par DCV.

Image

§ 44
Le schéma est une projection de la sphère sur l’horizon. HDM est l’horizon, ADE l’équateur, P le pôle, V le zénith, VF un cercle vertical, DG l’arc des heures sur l’équateur, ou le temps à partir de midi transformé en degrés, GDF est la hauteur de l’équateur. Parce que le triangle DFG est rectangle en F, il en découle la formule suivante :
cos GDF = cot DG.tang DF
DF est donc l’arc des heures, ou DVF est l’angle des heures pour le cadran solaire horizontal. Les lignes aveugles PG n'ont d'autre fonction que celle de diviser la ligne d'équateur ADE en degrés selon les règles de la projection.
Yvon Massé - Site perso. : La gnomonique
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Yvon_M
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Re: Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 72Message Yvon_M »

La démonstration de Lambert est pour le moins sommaire. J. de Castillon qui a reporté cette méthode dans les Suppléments de l’Encyclopédie Diderot vol 2, p. 97 points 4 à 10 (les figures correspondantes se trouvent ici et ) en a donné plus de détails mais avec quelques erreurs. De plus, en le relisant bien, on n’est pas convaincu qu’il ait tout compris et globalement il apporte plus de confusion que d’éclaircissement. Je reprendrai donc la démonstration de Lambert en lui ajoutant quelques précisions qui faciliteront la compréhension :

La figure, dit-il, est une projection de la sphère sur l’horizon. HDM est l’horizon, ADE l’équateur, P le pôle, V le zénith, […] Comme la projection de l’horizon et de l’équateur sont des cercles nous avons affaire à une projection stéréographique, sachant de plus que le zénith est au centre de l’horizon, cela signifie que l’œil est placé au nadir, P est donc le pôle nord si on se situe dans l'hémisphère nord. On supposera de plus que l’on regarde la projection du dessus, ainsi le point D correspond à l’est. La façon de trouver le centre C du cercle projeté de l’équateur et la position du pôle P découle des propriétés de la projection stéréographique.

[…] VF un cercle vertical, […] Comme ce cercle passe par le nadir, sa projection est une droite, ou un diamètre du cercle HDM si on se limite à la partie au-dessus de l’horizon.

[…] DG l’arc des heures sur l’équateur, ou le temps à partir de midi transformé en degrés, […] Là, il y a une petite subtilité qui prendra tout son sens à la ligne suivante : on considère que l’angle horaire est reporté sur l’équateur à partir de l’est.

[…] GDF est la hauteur de l’équateur. Parce que le triangle DFG est rectangle en F, il en découle la formule suivante :
cos GDF = cot DG.tang DF

[…]
Dois-je l’avouer ? J’ai connaissance de cette méthode depuis de nombreuses années et j’ai toujours buté sur ce point. C’est récemment que j’ai compris qu’il fallait considérer le triangle DFG sur la sphère ! Ce triangle est donc sphérique et délimité par l’horizon, l’équateur et un vertical. La relation énoncée par Lambert nous est fournie sans ambiguïté par le moyen mnémotechnique du pentagone de Neper. Si nous remplaçons donc GDF par (90 – lat) et DG par H, nous obtenons :
cos(90 – lat) = cot H.tan DF
ou encore, ce qui est plus parlant :
tan DF = sin lat.tan H

[…] DF est donc l’arc des heures, ou DVF est l’angle des heures pour le cadran solaire horizontal. […] Bien sûr, mais sans le développement précédent ce n’est pas de la première évidence ! Il faut toutefois remarquer que l’est de la projection deviendra le nord du cadran.

[…] Les lignes aveugles PG n'ont d'autre fonction que celle de diviser la ligne d'équateur ADE en degrés selon les règles de la projection.
Là encore Lambert fait appel à une propriété de la projection stéréographique. Celle-ci était bien connue des astrolabistes qui l’ont utilisée pour graduer l’écliptique comme on peut le lire dans le traité de J. Stöffler, p. 30v.
J’ai cherché sa démonstration sur Internet pour illustrer ce message sans la trouver. Elle est proposée par R. d’Hollander dans son livre L’Astrolabe – Histoire, théorie et pratique. En voici les grandes lignes :
Considérons le segment NZ’ (pôle nord – nadir de la sphère). L’intersection du plan médiateur de ce segment avec la sphère est le grand cercle bissecteur de l’horizon et de l’équateur, il passe par les points est et ouest. Par symétrie, tout petit cercle qui passe par les points N et Z’ coupe ce cercle à angle droit et les cercles de l’équateur et de l’horizon à égale distance des points est ou ouest. La projection de ces petits cercles sont des droites passant par la projection P du pôle nord. Ces droites permettent donc, au niveau de la projection, de reporter sur l’équateur les angles de l’horizon.

Merci aux internautes qui ont eu le courage de me lire jusqu’ici. Si certains points restent obscurs, n’hésitez pas à demander des précisions.
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Re: Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 74Message Henri_G »

Après maints calculs laborieux et à partir de la figure de Lambert, projection sur le plan, on peut effectivement arriver à vérifier que la méthode est rigoureuse (mais bonjour les sinus, cosinus et tangentes et équation du second degré).
L'approche géométrie pure ou l'approche géométrie analytique ont de quoi décourager le gnomoniste débutant. Il vaut mieux utiliser cette méthode sans chercher à la justifier.... d'autant plus qu'il existe d'autres méthodes graphiques beaucoup plus faciles à comprendre.
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Yvon_M
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Re: Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 77Message Yvon_M »

Il y a toutefois certains cas où l’approche par la géométrie pure permet des raccourcis intéressants. Je l’ai encore constaté lorsque je recherchais les propriétés de la projection stéréographique et quand j’ai trouvé ce texte :
http://www.numdam.org/article/AMPA_1825 ... _322_1.pdf

Aucune formule, aucune figure et la démonstration la plus élégante que j’ai trouvée sur le fait que cette projection est conforme, que la projection d’un cercle est un cercle et la façon de trouver le centre du cercle projeté. Je recommande vivement la lecture de ce court texte à qui s’intéresse aux propriétés de la projection stéréographique.
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Re: Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 79Message Henri_G »

Belle performance que d'expliquer les propriétés de la projection stéréographique sans faire un seul dessin.

Pour ma part, je suis tombé sur un article qui m'a fait comprendre beaucoup de choses :

http://gnomonique.fr/gnomon/hori2prc.htm

Pour expliquer le cadran de Oughtred, on peut difficilement faire mieux (Merci !)
Henri_G
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Re: Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 80Message Henri_G »

Méthode graphique proposée par Yves Guyot pour tracer un cadran vertical plein Sud

Yves Guyot est un cadranier professionnel qui a conçu un de ces petits guides sous forme de livrets de 8 pages que l'on trouve sur les aires d'autoroute. Il y décrit une méthode graphique pour tracer un cadran vertical plein Sud, méthode que l'on peut facilement adapter pour un cadran horizontal (90° - latitude --> latitude) :

http://cadrans-solaires-yves-guyot.e-monsite.com/

Ci-joint, la reproduction de deux pages de ce livret :
CS-YG1-p.jpg
CS-YG1-p.jpg (164.24 Kio) Vu 21799 fois
CS-YG2-p.jpg
CS-YG2-p.jpg (160.5 Kio) Vu 21799 fois
C'est un petit peu plus facile que la méthode de J.H. Lambert.
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Yvon_M
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Re: Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 82Message Yvon_M »

Oui, il y a de nombreuses méthodes graphiques pour tracer les cadrans. Nos amis américains en ont répertorié un bon nombre sur cette page :
https://en.wikipedia.org/wiki/Schema_fo ... ntal_dials

Bien que la méthode de Lambert ne soit pas citée, il en est mentionné une similaire publiée par Leybourn en 1669. Je suis en train de mettre en forme une petit texte pour expliquer son principe, il fera l’objet d’un prochain message.
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Re: Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 86Message Yvon_M »

Comme proposé, voici une explication de la méthode de Leybourn.

Considérons la sphère céleste d’axe POP’, le méridien supérieur PZP’ et le cercle de l’horizon Sud-Ouest-Nord-Est. À midi vrai, le Soleil est situé sur le méridien supérieur, à 1 heure sur le méridien I, etc. Si on place un style suivant l’axe PP’, le demi-plan d’ombre coupera la sphère suivant le méridien opposé à celui où se trouve le Soleil et le plan horizontal suivant le segment reliant le point O à ce méridien. Le tracé du cadran horizontal pour chaque heure entière correspond donc à l’ensemble des lignes qui sont tracées entre le point O, centre du cadran, et ces différents méridiens qui forment entre-eux un angles de 15°.

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Comme pour les astrolabes, projetons la sphère sur l’équateur à partir du pôle sud P’ et regardons la projection du côté boréal. Nous obtenons la figure suivante :

Image

Le cercle fondamental Est-XII-Ouest-E correspond à l’équateur et son centre p au pôle nord. Les différents méridiens sont projetés suivant des rayons faisant 15° entre-eux. Pour obtenir le centre C du cercle de l’horizon Est-Nord-Ouest, on peut tracer du point Est une ligne qui fait l’angle du complément de la hauteur du pôle avec le diamètre Ouest-Est. Cette ligne coupera le diamètre XII-E au centre C cherché. En reportant l’angle en p on obtient le point Y sur le cercle fondamental, la droite qui joint le point Est à Y coupe le diamètre XII-E au point z qui est la projection du zénith.

Les intersections des rayons avec le cercle de l’horizon correspondent aux extrémités des lignes horaires. Pour reporter ces points sur le cercle fondamental en restituant les angles, on peut utiliser la méthode des astrolabistes dans le sens inverse : du point z traçons des lignes qui passent par les intersections et vont rejoindre le cercle fondamental.

Image

On peut maintenant obtenir les lignes horaires du cadran horizontal en reliant les points obtenus au centre du cercle fondamental.

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Par rapport à la méthode de Lambert, celle de Leybourn découle plus naturellement de la représentation de la sphère céleste. Elle donne aussi une construction plus symétrique mais demande un report supplémentaire pour chaque ligne horaire.
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Re: Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 95Message Yvon_M »

Bonne année 2019 à tous et meilleurs vœux de santé et bonheur.

Pour inaugurer le début de cette nouvelle année, je vous propose deux petites animations pour illustrer la propriété de la projection stéréographique utilisée dans les méthodes de Lambert et Leybourn.

Le grand cercle rouge est dans le plan de la future projection stéréographique (c’est donc ce qui est appelé le cercle fondamental) et le grand cercle bleu est celui sur lequel on veut reporter les valeurs angulaires à partir du cercle fondamental.

Le début de la première animation reprend les éléments que j’ai évoqués dans la démonstration succincte du message du 7 déc. 2018.

Dans la fin de la première animation, l’œil de l’observateur se rapproche de la sphère jusqu’à venir à son contact. Ce qui est alors vu correspond à la projection stéréographique.

La seconde animation permet de confirmer, sous deux angles de vue différents, la symétrie de la figure par rapport au plan médiateur du segment noir qui coupe la sphère suivant le grand cercle noir.

Image Image

Cette propriété à été utilisée par Leybourn (notamment dans la réédition de 1700 de son traité Dialling, le seul auquel j’ai eu accès) dans le cadre d’une géométrie générale pour tracer tous les cadrans plans, y compris les inclinés-déclinants. C’est le seul traité dans lequel j’ai eu l’occasion de voir ce type de géométrie utilisé.

Certains d’entre vous ont peut-être déjà rencontré l’utilisation de la projection stéréographique pour tracer les différents types de cadrans dans d’autres ouvrages. Dans ce cas, je vous serais reconnaissant de me communiquer la référence de ces ouvrages.
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Re: Méthode graphique de J. H. Lambert

Message : # 141Message Yvon_M »

Pour revenir sur la méthode graphique d’Yves Guyot proposée par Henri plus haut, il y a une façon assez simple d’éviter les calculs de proportion. On remarquera que ces calculs sont nécessaires pour tracer les heures proches de 6 et 18 h dont les intersections des lignes auxiliaires avec la droite DC sortent de la figure.

Cette façon n’utilise qu’une règle et un compas, elle est proposée par Bedos de Celles dans sa Gnomonique pratique, p. 63 en précisant que c’est « la manière la plus simple et la plus facile », c’est dire…

Voici donc comment procéder après avoir tracé les lignes de 9 à 15 h :
  • Tracer une parallèle à la ligne de 9 h sur la partie droite du cadran.
  • Sur cette droite, en plaçant la pointe du compas en J15, reporter la distance de J14 en J16. La ligne horaire de 16 h passe par ce point. Répéter l’opération avec J13 pour obtenir J17, par où passe la ligne de 17 h, et J12 pour obtenir J18.
  • Répéter l’opération sur la partie gauche du cadran en traçant une parallèle à la ligne horaire de 15 h, la pointe du compas sera à placer en K9.
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Cette méthode est une application d’une propriété démontrée par P. de la Hire dans sa Gnomonique ou méthodes universelles, p. 138. Plus récemment, D. Savoie a reporté dans sa Gnomonique moderne, p. 196, une autre démonstration par la géométrie trigonométrique produite par R. Sagot mais qui est relativement lourde. Pour terminer voici une façon de la présenter de façon plus concise et plus moderne :

Tout cadran solaire plan d’orientation quelconque peut être considéré comme la projection parallèle suivant la direction de l’axe polaire d’un cadran équatorial utilisant le même style. La projection parallèle a deux propriétés importantes dans notre cas :
  1. La projection de 2 droites parallèles donne 2 droites parallèles
  2. Les proportions le long d’une droite sont conservées le long de sa droite projetée (axiome de Thalès)
Dans le plan du cadran équatorial, si l’on trace une droite parallèle à une ligne horaire H donnée, elle coupera perpendiculairement la ligne horaire H +/- 6 h en J et l’intersection des lignes horaires voisines se feront symétriquement par rapport à J. La projection de cette droite sur le cadran sera aussi parallèle à la ligne horaire H du cadran et la symétrie des points d’intersection par rapport à l’intersection de la ligne H +/- 6 h sera conservée.
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