Comment tracer un cadran incliné et déclinant à l'aide de trois observations d'ombres inégales


RESUME: Il serait injuste de traiter de gnomonique sans rappeler les principes ingénieux, parfois oubliés, que les gnomonistes des siècles passés ont pu imaginer. Une méthode graphique permettant de trouver la méridienne à l'aide de trois ombres relevées sur un plan horizontal au cours d'une même journée est rapportée ici. Elle est exposée dans l'encyclopédie méthodique de Panckoucke publiée à la fin du XVIIIº siècle en faisant référence à un traité plus ancien. Une explication de la méthode est ensuite présentée, elle montre que le principe peut être appliqué à un plan quelconque afin de trouver la sous-stylaire d'un futur cadran. Un complément d'épure est également proposé, il permet de trouver le centre de ce cadran et sa ligne équinoxiale. De leur connaissance il est alors possible de tracer complètement le cadran si on a pris soin de noter l'heure du pointage d'une des ombres et le sens de progression de l'ombre au cours de la journée.

Sans plus tarder, laissons place au texte tel qu'il se présente dans l'encyclopédie:

Comment on peut trouver la méridienne par trois observations d'ombres inégales

On trouve ordinairement la ligne méridienne sur un plan horizontal, au moyen de deux ombres égales d'un style perpendiculaire, l'une prise avant, l'autre après midi. C'est pour cette raison qu'on décrit du pied du style plusieurs cercles concentriques; mais, malgré cette précaution, il peut arriver, et sans doute il est arrivé souvent, qu'on n'aura pu avoir deux ombres égales l'une à l'autre. Dans ce cas, doit-on regarder son opération comme manquée? Non, pourvu qu'on ait trois observations au lieu de deux. Voici comment, dans ce cas, on devra opérer. On doit cette méthode, qui est ingénieuse, à un assez ancien auteur de gnomonique, appelé Muzio oddi da Urbino, qui l'a donnée dans un traité intitulé, gli Orologi solari nelle superficie plane. C'était un auteur très dévot, car il remercie pieusement N.D. de Lorette de lui avoir inspiré les pratiques enseignées dans son ouvrage.

Soit P le pied du style, et PS sa hauteur; (fig. 1) que les trois ombres projetées soient PA, PB, PC, que nous supposons inégales, et que PC soit la moindre.

Fig. 1

Au point P, élevez sur PA, PB, PC, les perpendiculaires PD, PE, PF, égales entre elles et à PS, et tirez DA, EB, FC; sur les deux plus grandes desquelles, savoir DA, EB, vous prendrez DG, EH, égales à FC; de G et H menez sur PA, PB, les perpendiculaires GI, HK, et joignez les points I et K par une ligne indéfinie; faites IM et KL perpendiculaires à IK, et égales à GI, KH, et tirez ML, qui concourra avec IK dans un point N, par lequel et par C, menez CN; ce sera la perpendiculaire à la méridienne: conséquemment, en menant de P la ligne PO, perpendiculaire à CN, ce sera la méridienne cherchée.

Le principe de cette méthode peut être expliqué de la façon suivante:
Soit PS le style vertical et A, B et C les trois points d'ombre relevés sur le plan horizontal (H) avec C le plus près de P (Fig. 2).

Fig. 2

Faisons passer par S une droite (A) parallèle à l'axe du monde. Soit T le point de (A) tel que l'angle TCS soit égal à la déclinaison d du soleil au jour de l'observation. Prenons T au nord de S lorsque la déclinaison est négative. Soit enfin le cercle (C), de centre T et de rayon TC, situé dans le plan (E) perpendiculaire à la droite (A) et qui passe par T. Ce cercle est tel que, au cours de la journée de l'observation, l'ombre du point S passe toujours par (C) et que tout point de (C) est à égale distance de S. Le plan (H) étant horizontal, son intersection avec le plan (E) donne une droite (I) passant par C et qui est orientée est-ouest, donc perpendiculaire à la méridienne. C'est cette droite qui est obtenue par la méthode ci-dessus, nous allons voir comment.
Sur la figure 1 les triangles rectangles PDA, PEB et PFC sont les rabattements des triangles PSA, PSB et PSC de la figure 2. Ces triangles sont perpendiculaires au plan (H). En reportant sur les droites DA et DB de la figure 1 la distance FC on obtient les points G et H qui appartenaient au cercle (C) avant rabattement ainsi qu'il est montré à la figure 3.

Fig. 3

Sur cette figure on comprend que si on projette les points G et H perpendiculairement au plan (H) on obtient alors les points I et K tels que les deux droites GH et IK se rejoignent en un point N qui appartient à la droite (I). C'est cette propriété qui est utilisée dans la méthode ci-dessus. En effet, en tirant des points G et H de la figure 1 les perpendiculaires à PA et PB on obtient les points I et K qui permettent de tracer la première droite. La seconde est obtenue en dessinant le rabattement IMLK (Figure 1) du trapèze rectangle IGHK de la figure 3 sur le plan (H). Ce rabattement se dessine facilement car les angles MIK et LKI sont droits. On comprend alors aisément le reste de la méthode.

Il est intéressant de remarquer que cette construction graphique, si elle est exécutée sur un plan quelconque destiné à un futur cadran et sur lequel on a installé un style droit, donne une droite CN qui correspond à la trace d'un plan perpendiculaire à l'axe du monde. Cette droite est donc parallèle à l'équinoxiale et sa perpendiculaire passant par le pied du style est alors la sous-stylaire. On peut alors compléter l'épure de la façon suivante afin de trouver le centre du cadran et l'équinoxiale (Fig. 4).

Fig. 4

Du point P tirons la perpendiculaire à OP et reportons sur celle-ci la distance PS afin d'obtenir le point S'. Pour avoir une bonne précision choisissons le plus grand des segments GI et HK de la figure 1 et du point I ou K, extrémité du segment retenu, abaissons une seconde perpendiculaire à la droite OP pour obtenir le point Q. De Q reportons sur la perpendiculaire du même coté que S' la longueur du segment choisi pour obtenir le point Q'. Soit R le point d'intersection des droites OP et NC. Traçons la droite RQ'; l'angle que fait celle-ci avec la droite OP est l'angle dièdre des plans (H) et (E), (H) étant cette fois le plan quelconque du cadran. Du point S' abaissons la perpendiculaire à RQ' qui coupe RQ' en T' et OP en U, centre du cadran.
Notons que la droite UT' est le rabattement autour de la droite OP de l'axe (A) de la figure 2 et que les points S et T de cet axe sont rabattus respectivement en S' et T'. Ainsi si on reporte du point S' la distance FC de la figure 1 sur la droite RT' on obtient le point C' qui permet de former l'angle S'C'T' égal à la déclinaison du soleil.
Traçons la parallèle à RQ' passant par S', elle coupe OP au point V. L'équinoxiale est la droite perpendiculaire à OP et qui passe par V.

Pour tracer le cadran il faut ensuite du centre U tirer une droite qui passe par le point d'ombre dont nous avons relever l'heure du pointage, prenons C pour notre figure (Fig. 5). La droite coupe l'équinoxiale au point X. Au compas en plaçant la pointe en V, reportons sur la droite OP la distance VS' pour obtenir le point W. De W traçons la droite passant par X.

Fig. 5

Il nous faut à présent calculer l'angle horaire Ah du soleil à l'instant de ce pointage. Les valeurs nécessaires pour effectuer ce calcul sont:

On obtient alors la valeur de Ah exprimée en degré par le calcul:
Ah = 15.(H - 12 - F) + (M - E)/4 - Lo
Ah est l'angle associé aux heures vraies; il nous permettra de tracer les lignes horaires de ce type d'heure. Si on préfère tracer les lignes des heures légales (à l'équation du temps près) en vigueur au jour de l'observation, le calcul de Ah se simplifie et s'écrit:
Ah = 15.(H - 12) + (M - E)/4
Reportons cet angle sur la figure au point W par rapport à la droite WX dans la direction de l'évolution de l'ombre si Ah est négatif et dans le sens inverse si Ah est positif. La ligne ainsi obtenue coupe l'équinoxiale au point 12. De chaque coté de cette ligne tirons de W des demi-droites qui forment entre elles un angle de 15 degrés. Elles coupent l'équinoxiale en 1, 2, ... dans le sens du déplacement de l'ombre et en 11, 10, ... dans la direction inverse. Enfin de ces points traçons les lignes horaires du cadran qui se rejoignent toutes au point U. Pour le terminer on peut alors installer un style-axe en plaçant une tige qui relie le sommet du style droit au point U.

Voici donc traité un des problèmes de la gnomonique souvent donné comme le plus difficile et ceci par la seule connaissance de trois points d'ombres, de l'heure (légale ou vraie) d'un de ces points et du sens de progression de l'ombre. On n'a effectivement pas tenu compte tout au long de cette méthode de l'orientation du plan du cadran (inclinaison et déclinaison), de la latitude du lieu et suivant les lignes horaires tracées de sa longitude. La ligne de plus grande pente, généralement utilisée comme référence pour le tracé des cadrans inclinés déclinants, n'est également pas nécessaire.

Cette méthode, bien que juste, est dans certain cas difficile à mettre en oeuvre car il peut arriver qu'un des points du tracé s'écarte de façon importante de l'épure. C'est se qui se passe en particulier quand les deux plus grandes ombres ont une longueur voisine. Le point N s'éloigne alors d'autant plus que les longueurs sont proches.
En pratique il est préférable d'avoir deux ombres courtes de longueur similaire de part et d'autre de la méridienne ou de la sous-stylaire et une troisième ombre de longueur beaucoup plus grande. Dans ce cas le point N se situe au voisinage du point de l'ombre intermédiaire. A la limite, quand les deux ombres courtes sont de longueur égale, le point N se confond avec l'extrémité de l'une d'elles. La troisième devient ainsi inutile pour le tracé de la méridienne (ou de la sous-stylaire) et on peut remarquer qu'on retrouve alors le principe présenté au début du texte de l'encyclopédie.

Enfin, chaque fois que le plan du cadran est proche de celui de l'équateur ou proche d'un plan perpendiculaire à l'équateur, cette méthode donne des points qui s'écartent de la figure. Dans le premier cas c'est d'une part le point N vu que les ombres sont toujours de longueur similaire et d'autre part le point V car l'angle PRT' est très faible. Dans le second cas c'est le point U parce que l'angle PRT' est cette fois proche de 90 degrés.
Aux limites, bien sûr, on obtient soit un cadran équatorial où les notions de sous-stylaire et d'équinoxiale n'existent pas soit un cadran polaire sans centre. Si le cadran est équatorial, ce qu'on peut remarquer au fait que les trois ombres sont de longueur égale, le centre U se confond avec le point W au pied P du style droit et les lignes horaires font entre elles un angle constant de 15 degrés. Si le cadran est polaire, ce qui se met en évidence par le fait que les points I, C et K sont alignés, l'équinoxiale passe par P et les lignes horaires sont toutes parallèles à la sous-stylaire.

Bibliographie:


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Date de création: 31 Mai 98